Madame la rectrice,
La forte augmentation de la rémunération des personnels est aujourd’hui pour le SGEN-CFDT un sujet central. Le nouveau système de calcul des pensions présenté par le gouvernement n’est, à terme, pas du tout favorable aux enseignants et aux enseignants chercheurs, ainsi qu’à une partie des personnels Biatss. Le pari du SGEN de faire compenser les pertes par une forte revalorisation est enclenché. Les dix milliards nécessaires sont sur la table. En tous cas sur le menu. Pour 2021, les 500 premiers millions sont actés et seront votés dans le prochain budget. Cela ne peut-être cependant qu’un amuse-bouche. Il faut maintenant obtenir le reste, et rapidement, car dès 2025 on peut évaluer à 6 milliards les besoins d’augmentation de salaire pour ceux nés après 1975. La loi de programmation reste plus que jamais à l’ordre du jour. Qu’elle soit ou non prévue par la loi sur les retraites ne change rien. Le gouvernement a promis publiquement, et il est vital de faire cet effort si nous voulons continuer à recruter suffisamment de professeurs : la perspective d’une carrière mal payée, avec des retraites qui deviendraient très en-dessous de la norme, ce n’est évidemment pas très attirant !
Certains au ministère évoquent des contreparties : formation durant les vacances scolaires, remplacement de courte durée obligatoire, augmentation du temps de travail ou autre chose encore, l’étendue des possibilités est vaste et l’on ne doute pas du sens créatif de notre ministre dans ce domaine. Ces contreparties seraient pourtant inacceptables. D’une part cette augmentation des rémunération est nécessaire au maintien de nos pensions, suite à un projet du gouvernement. Il n’y a donc aucune raison que tout à coup il devienne essentiel d’augmenter notre temps de travail. D’autre part, il s’agit de retrouver un niveau de pouvoir d’achat qui s’est lentement érodé depuis 40 ans, à quelques rares moments près (comme le PPCR). Enfin, les personnels (et pas que les enseignants) croulent déjà sous l’accumulation des tâches qui s’empilent depuis des décennies, sans en général faire l’objet d’indemnisation. C’est pourquoi nous distinguons la revalorisation de ces tâches de la nécessaire compensation induite par le changement de calcul des retraites.
Si la manifestation du 5 décembre a été massive dans notre profession, c’est à cause de l’inquiétude sur les retraites, mais aussi parce qu’il est urgent de remettre à plat nos conditions de travail. Notre ministre est dans le déni sur ce sujet. Il ignore ou nie les problèmes, même si ces derniers ne sont pas tous de sa responsabilité. Partout les CHSCT alertent sur les conditions de travail qui se dégradent, sur les conflits qui se multiplient, sur les arrêts de travail qui augmentent. Même si certains sont en première ligne, comme les directeurs d’école, chacun constate les injonctions contradictoires et le nombre de plus en plus important des tâches demandées. Les conclusions de l’Anact sur les bienfaits à attendre d’espaces de dialogues pour améliorer les conditions de travail, et surtout sur les freins identifiés dont les réorganisations descendantes fréquentes méritent qu’on s’y arrête. Et non seulement notre ministre nie cette réalité, mais il préfère dénigrer les enseignants, en particulier quand ils montrent des signes de rébellion.
La réforme actuelle dans les lycées, avec le passage des E3C, a mis sous pression l’ensemble des équipes (enseignants comme personnels de direction et inspecteurs), des élèves et de leurs parents. Le Sgen-CFDT demande la fin du principe même de ces E3C, forme bâtarde de contrôle continu et d’épreuve terminale anticipée. Les E3C doivent disparaître et s’intégrer dans le contrôle continu. Certains objectent que cela mettrait fin au caractère national du Bac. On peut leur répondre que le contrôle continu est déjà utilisé pour l’orientation des élèves en post-bac, et ce depuis bien avant Parcoursup. Pourquoi ce qui est considéré comme efficient pour évaluer les candidats à l’entrée en classes préparatoires ne le serait plus quand on se penche sur l’ensemble des élèves ? Il faut surtout que le ministre accepte d’écouter. Cette histoire est une caricature de la “méthode” Blanquer. L’ensemble des consignes est tombé du ministère, dans un mouvement du “haut” vers le “bas”. La très grande majorité des enseignants est opposée à cette réforme ; la hiérarchie intermédiaire (chefs d’établissements et inspecteurs) fait remonter les problèmes qui se posent et ses propres doutes. Pourtant, le ministre s’enferme dans sa tour d’ivoire et continue à chanter “tout va très bien, Madame la marquise …” devant les médias. Le ministre veut faire croire que 99.9% des enseignants le soutiennent. C’est faux. S’ils dénoncent une réforme mal préparée, c’est justement parce que 100% des enseignants ont comme préoccupation principale la réussite et l’intérêt de leurs élèves. Et ils n’ont pas attendu Jean-Michel Blanquer pour cela.
Les suppressions de postes dans notre académie sont attachées à ce dossier des lycées. 84 ETP seront supprimés à la rentrée prochaine, si l’on ajoute les LGT et les LP. Difficile de juger si ces suppressions correspondent à une baisse d’effectifs, les documents fournis par les services étant incomplets. En tous cas, si vous vouliez, Madame la rectrice, donner l’impression aux équipes des lycées que vous vous acharnez sur eux, vous n’auriez pas fait autrement. Ne gérez-vous donc les personnels qu’avec un tableur ? Manquez-vous à ce point de sens politique ?
Dans le premier degré, on découvre une fongibilité entre les dotations données aux ex-académies de Caen et de Rouen. Aux dépens de celle de Caen. Sans même le dire explicitement. Si le ministère a décidé d’une certaine répartition, pourquoi madame la rectrice décide-t-elle d’en choisir une autre ? Nous n’avons pas de réponse franche dans les documents préparatoires.
Le travail à partir de ces documents préparatoires est d’ailleurs de plus en plus problématique. Comme lors du dernier CTA, certains n’ont été donnés que tardivement. La DHG des lycées a été alignée sur les normes de Rouen, c’est-à-dire, en l’espèce, sur le moins disant. Le compte-rendu du dernier CTA est tronqué. Cette dégradation de la qualité des documents est récurrente depuis le début du processus de fusion des deux académies. Enfin, nous aimerions savoir pourquoi les convocations du CTA du périmètre de Caen sont systématiquement éditées à Rouen.
Enfin nous allons voter aujourd’hui sur les Lignes directrices de gestion. Les groupes de travail qui ont eu lieu à Pont-Audemer il y a quelques semaines ont bien montré la direction que prend maintenant la gestion des personnels. L’administration, « l’employeur » veut avoir totalement la main sur les mutations. Et bientôt sur les carrières. Nous avons bien compris que le ministre voulait s’en prendre ainsi à ce qu’il considère comme une co-gestion des syndicats. Cependant, la conséquence sera une défiance forte des personnels envers les résultats. Plus personne ne pourra garantir l’égalité de traitement aux collègues. Ce ne sera certainement pas la parole d’une autorité administrative qui les rassurera en tous cas. Le penser est montrer une déconnexion totale avec la réalité du soupçon généralisé des collègues envers leur administration.
D’ailleurs, nous aimerions montrer ici l’incompréhension sur le fait de ne plus prendre en compte l’ancienneté générale de service et de la réduire à un seul corps. Cela est contradictoire avec la volonté du gouvernement de favoriser la mobilité entre les différents corps de la Fonction Publique. Ce qui encore une fois, décrédibilise l’administration aux yeux de nombreuses personnes.
Une bonne partie des problèmes évoqués ici a pour origine notre ministre. Celui-ci a perdu l’essentiel de sa crédibilité. Méprisant et donneur de leçons vis à vis de notre profession, il ne bénéficie plus d’aucun crédit dans l’Education nationale. Ses sorties médiatiques et ses décisions ne font que mettre de l’huile sur le feu. Si la CFDT n’a pas l’habitude de demander la démission d’un responsable politique, force est de constater que Jean-Michel Blanquer est actuellement le principal obstacle au respect de la parole gouvernementale.