Le premier ministre a confirmé hier le début de la fin du déconfinement de l’Education nationale. Une circulaire a été publiée le 4 mai. Les élèves seront accueillis à partir de mardi dans le premier degré, à partir du 18 mai dans les collèges pour notre région. Ecoles, collèges, lycées, CIO, rectorat, DSDEN : dès lundi les lieux d’exercice de nos métiers vont s’ouvrir progressivement. Jamais totalement fermés, ils vont plus ou moins rapidement commencer à recevoir du public.
Voilà le schéma. Dans la pratique, il y aura beaucoup d’exceptions et de conditions.
Beaucoup d’élèves resteront chez eux. D’abord ceux qui sont en lycée, dans le supérieur et en 4ème et 3ème. Puis tous ceux que leurs parents auront décidé de garder chez eux. Pour tous ces élèves, le travail scolaire (au sens large, il va aussi y avoir l’orientation) va continuer à distance. Ce libre choix laissé aux familles, sans doute largement remis en cause à partir du 2 juin, complique l’organisation de la reprise. Beaucoup de collègues aussi vont rester chez eux en télétravail : les personnels fragiles, ceux qui dans leur entourage immédiat ont quelqu’un de fragile, ou ceux qui sont obligés de s’occuper de leurs enfants chez eux. Dans les services déconcentrés (rectorat et DSDEN), le telétravail restera la règle autant que possible. L’articulation entre le travail devant les élèves et celui qui sera fait à distance inquiète beaucoup. Toutes les assurances demandées sont données par le ministre et la rectrice : pas question de cumuler les deux. Sur le terrain, nous voyons cependant que les choses sont beaucoup plus complexes à mettre en place. Il s’agit d’un risque majeur si des solutions simples et justes ne sont pas rapidement trouvées. N’hésitez pas à nous contacter.
Pour ceux qui reviennent travailler, ponctuellement ou définitivement, sur leur lieu de travail habituel, des conditions sanitaires strictes sont mises en oeuvre. En théorie au moins. Des protocoles sanitaires ont été publiés. Ils sont longs et contraignants. Ils engagent la responsabilité des personnels en cas de non application. Ils les protègent aussi, ainsi que les élèves et leurs familles. La possibilité réelle de les appliquer est une inconnue majeure de cette « rentrée ». Il est à parier que des aménagements sont à prévoir, une fois les premiers jours passés, mais l’enjeu est important car l’épidémie est partie pour durer. La présence du matériel nécessaire (masques, gel, lingettes, produits désinfectants) est aussi une source d’inquiétude. Pour l’instant, il y a encore des endroits où ce matériel n’est pas présent. Il vient d’arriver au rectorat. Il est absent dans la plupart des CIO. Pour les collèges et lycées, la situation est variable. Les choses sont compliquées, on peut le comprendre, mais il est clair que si les conditions sanitaires de base ne sont pas réunies, les lieux concernés ne doivent pas ouvrir ou doivent fermer (il faut aussi penser à l’approvisionnement sur la durée).
Les dimensions psychologiques ne sont pas à négliger. Avec raison, le ministre insiste sur cet aspect. Le déconfinement nécessite un temps d’adaptation, pour les personnels comme pour les élèves. Le confinement aura sans doute laissé des traces aussi. La solitude professionnelle qui a souvent marqué la période, en particulier pour les personnels assurant des permanences, a sans doute fait des dégâts mal mesurés pour l’instant. Le « télétravail » s’est fait dans la précipitation et là encore, on ne sait vraiment quelles conséquences il a pu avoir. Enfin, autour de nous, le virus a frappé. Des proches ont pu disparaître. Et la maladie dans ses formes sévères est éprouvante, physiquement comme psychologiquement. Des cadres sont prévus par le ministre (qui au passage a redécouvert l’existence d’un corps qu’il semblait avoir largement oublié avant : les psychologues de l’Education nationale). Au niveau académique, plusieurs cellules d’écoute ont déjà été mises en place depuis le début du confinement.
Cette « rentrée » est aussi un enjeu pédagogique. Pour les élèves qui ont été les plus éloignés de l’école d’abord qui malheureusement risquent d’être ceux que nous verrons en proportion le moins. Mais aussi pour l’ensemble des élèves qu’il va falloir remotiver et avec lesquels il va falloir commencer à combler deux mois de programmes : nous avons « consolidé », au mieux les acquis ; nous n’avons pas sérieusement fait progresser vers de nouvelles compétences nos élèves. Il va falloir compenser sur la durée, cette année mais aussi sur une bonne partie de l’année prochaine. Notre ministre envisage des colonies de vacances et des temps supplémentaires jusqu’à la prochaine Toussaint. Sans passer plus de temps à commenter l’annonce médiatique des colonies, il est probable que c’est l’ensemble de l’année prochaine qui devra amortir progressivement les perturbations de cette année. A supposer cependant, que nous trouvions des solutions pour être à la fois efficaces dans notre enseignement et efficaces dans la protection sanitaire des personnes.
Une chose est sûre : ces solutions viendront des équipes sur le terrain, pas d’un ministère qui depuis le début de la crise montre son impuissance à contrôler la situation, voire même à en avoir une vision claire. Cette crise a pour l’instant au moins un côté positif : elle a montré que le service public d’Education nationale ne se trouvait pas dans les points presse de la rue de Grenelle, mais dans le travail au jour le jour des personnels.
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