Nous publions la lettre envoyée par une adhérente lundi 29 mars. Merci à elle. Nous pensons que cette lettre reflète l’état d’esprit de nombreux collègues dans cette période marquée par une épidémie qui dure et par des suppressions massives de postes dans les collèges et les lycée en grande partie pour les remplacer par des heures supplémentaires …
Je suis adhérente au sgen depuis ma titularisation. Je vous écris en tant qu’adhérente et collègue.
Je sais que les syndicats soutiennent les établissements tous les ans concernant les baisses d’heures postes et augmentation d’HSA. Cette année, c’est encore le cas. Cependant, cette année, je le vis vraiment mal. J’imagine qu’il y a une part de fatigue liée au covid… mais aussi une impression de goutte qui fait déborder le vase.
Je sais qu’on n’a pas une très bonne image dans la société, qu’on est mal considéré et qu’on n’est pas compris quand on râle concernant le nombre trop importants d’heures supp…
Du coup, je me dis que, en écrivant à mon syndicat, peut-être que cela les aidera à formuler nos arguments… ou du moins, cela m’aidera à mettre des mots sur ma colère… et peut-être, très égoïstement, cela m’aidera à l’apaiser.
Voilà ce que vous voudrait dire:
Je vous écris pour vous faire part d’une profonde incompréhension face à ce qui me semble être une incohérence… Peut-être, ce sentiment d’incohérence est partagé par d’autres collègues, et sera remonté plus haut. Et, peut-être que égoïstement, le fait de vous écrire va m’aider à gérer cette colère et tristesse face à ce que je vis comme une incohérence.
Voici ce que je ressens comme une incohérence
– D’une part:
* Il y a plusieurs années, la réforme du collège a permis la mise en place de l’AP (accompagnement personnalisé). Cela a été l’occasion avec les collègues de travailler en équipes, de réfléchir aux besoins de nos élèves et d’essayer d’y répondre. Après une période de rodage, j’ai l’impression qu’on a une organisation efficace en AP. Nous arrivons à faire 3 groupes avec 2 classes, ce qui nous permet de repérer des difficultés, d’y remédier plus facilement. Certains élèves sont mis en confiance grâce à ces plus petits groupes. On travaille sur des compétences transversales: devenir élèves en 6è (gestion du matériel préparation du cartable, comment apprendre), le parcours avenir en 3è (recherche de stage, préparation du rapport de stage, de l’oral de stage, de l’oral du DNB)… On travaille aussi bien sûr sur nos compétences disciplinaires mais sur la même compétence que nos collègues (ex: en 6è en math, français et anglais: « lire » au 1er trimestre, « dire-écouter » au 2nd et « écrire » au 3è). On essaie ainsi de mettre du sens pour nos élèves et aussi grâce à ces regards croisés, de repérer et remédier à leurs difficultés. Nous invitons même les parents de 6è en début d’année sur une heure d’AP 6è sur « comment apprendre »
Nous avons l’impression que cette organisation est bénéfique pour nos élèves et nous en sommes satisfaits.
* Depuis plusieurs années, nous avons développé la pédagogie différenciée grâce à la présence d’élèves handicapés (déficient visuel, déficients auditifs…) et d’élèves avec des troubles dys. Nous y avons mis un grand coup d’accélérateur depuis septembre 2020 grâce à l’ouverture au collège d’une section ULIS. Nous avons beaucoup travaillé notamment en concertation avec le coordinateur ULIS pour adapter nos pratiques, nos activités en classe et nos évaluations pour ces élèves inclus, souvent au bénéfice d’autres élèves en grande difficulté qui bénéficient du coup de nos progrès en pédagogie différenciée et de la présence du coordinateur qui en accueille certains sur ses créneaux.
– D’autres part:
* Plusieurs élèves ULIS comme non ULIS ont des notifications pour être accompagnés d’un(e) AESH et ils ont fait le début d’année sans… voire attendent toujours. Cette situation les met en difficulté et elle nous met également nous enseignants en difficulté. Nous dépensons beaucoup d’énergie pour aider les élèves à coller leur feuille, à faire du tri dans leur trousse, à se concentrer, à leur copier les devoirs dans l’agenda, à leur donner la trace écrite imprimée…
Il y a une grande incohérence vécue par l’élève, la famille et les enseignants quand un papier officiel notifie le fait que l’élève a le besoin et le droit d’être accompagné dans sa scolarité et que… il faut faire sans. On ne peut se satisfaire de cette situation.
* De plus, à nouveau, la DHG diminue le nombre d’heures postes et ajoute des HSA. Je ne comprends pas ces choix. Je l’ai ressenti comme un mépris pour notre long travail de concertation concernant l’AP car la nouvelle DHG ne va pas nous permettre de maintenir l’organisation avec de l’AP sur tous les niveaux comme les années précédentes. Je vis également cette augmentation des HSA comme un mépris ou une ignorance concernant l’importante charge de travail nécessaire pour assurer correctement l’inclusion des ULIS et la pédagogie différenciée avec tous les élèves en grande difficulté ou souffrant de troubles dys divers. Nous avons été plutôt préservés dans mon collège de la Manche concernant la DGH par rapport à d’autres collèges mais elle est telle qu’elle fragilise considérablement l’existence de l’AP telle qu’on l’organise depuis plusieurs années… et risque d’épuiser voire de faire baisser les bras des enseignants trop chargés d’heures supplémentaires incompatibles avec la pédagogie différenciée et les adaptations nécessaires à concevoir et l’énergie nécessaire pour gérer des groupes très hétérogènes en classe.
J’avais besoin de partager ma tristesse et ma colère…ne sachant pas trop quoi en faire!
Merci d’avoir pris le temps de me lire.
Je vous souhaite une bonne journée.
Bien cordialement