L’examen des promotions à la hors-classe est, comme chaque année, l’occasion de mettre le doigt sur les incohérences de la soi-disant reconnaissance du mérite dans la fonction publique.
Quelques analyses simples, reprises tous les ans, permettent de mettre en lumière des anomalies évidentes, par exemple quand on s’intéresse à la cohérence entre les notes pédagogiques et les avis mis par les inspections.
La moyenne des notes pédagogiques pour les 10ème et 11ème échelons est de 46,60.
Si on prend les collègues qui sont très au-dessus de cette moyenne (à partir de 50), qui donc doivent être de très bon enseignants, on constate toujours que 16 d’entre eux ont « sans opposition » de la part de leur inspecteur (15 l’année dernière). Même s’il peut y avoir des explications au cas par cas, la surreprésentation des certifiés d’Allemand (4) reste problématique.
Inversement, quand on isole ceux qui sont très en-dessous de cette moyenne (en-dessous de 44) et qui ont un avis très favorable de leur inspecteur, on trouve 7 collègues, dont 3 en lettres. La situation dans cette discipline semble s’améliorer par rapport aux années précédentes. Cependant, si on élève légèrement le curseur, à la note 45, on constate de nouveau une anomalie : 7 collègues de Lettres ont « Très favorable », sur 12 en tout.
Autres anomalies constatées, quand on regarde la répartition des avis dans chaque discipline. Si aux 10ème et 11ème échelons environ 46% des collègues ont un avis « sans opposition », cette proportion passe à 69% en éco-gestion, à 73% en technologie, à 80% en hôtellerie, et à 100% en Ingénierie de la formation.
Dans l’autre sens, les mathématiques et les lettres sont surreprésentés dans les avis très favorables : 55% pour les mathématiques, 40% pour les lettres, alors que moins de 10% des enseignants d’Histoire-Géographie, d’Espagnol, ou de Sciences physiques ont un avis Très favorable.
Pour les avis donnés par les chefs d’établissement, il est facile de mettre le doigt sur l’impossibilité de gérer le système avec équité. Nous l’avions déjà largement dénoncée l’année dernière, et la situation ne semble en rien s’être améliorée.
La simple lecture des avis donnés par établissement montre que les pratiques sont très diverses. Les chefs d’établissement peuvent attribuer les « très favorable » de façon très large, voire systématique (Collèges de Vimoutiers ou de La Ferté-Macé), ou au contraire ne mettre que des avis « sans opposition », ce qui est le cas à de nombreux endroits (Molay-Littry, Cerisy, collège de Deauville, Saint-Sauveur-le-Vicomte, Beaumont-Hague, Dolto à L’Aigle, ce ne sont que quelques exemples). Le « pompon » va au collège de Coutances, avec 11 avis « sans opposition » et 2 avis « défavorable » !
Comme l’année dernière, ces distorsions ne proviennent pas du type d’établissement. En éducation prioritaire par exemple, on n’a à Giberville que des avis « favorable » ou « très favorable » (16), les 5 collègues de Vimoutiers ont tous « très favorable », mais à La Chaussonnière, à Avranches, tous les avis (10) sont « sans opposition » et à Louise Michel, à Alençon, on trouve 10 « sans opposition » et 1 « très favorable ».
Les avis donnés par les corps d’inspection et les chefs d’établissement sont essentiels dans le barème de la hors-classe, ce sont les principaux éléments discriminants dans le classement. On constate pourtant une incohérence récurrente des pratiques, que ce soit entre les IPR ou entre les chefs d’établissement, dont on peut même se demander si certains comprennent les implications de leurs avis. L’avancement à la hors-classe relève ainsi pour l’essentiel de la loterie. Le seul garde-fou est l’ancienneté qui permet pour la plus grande part des collègues d’accéder à la hors-classe. C’est grâce aux organisations syndicales que ce garde-fou a été préservé il y a quelques années face à l’administration rectorale qui voulait au contraire donner un plus grand poids aux avis.
Le SGEN-CFDT continue donc à dénoncer le système d’évaluation actuel. Malgré les discours rassurants, les mêmes dysfonctionnements subsistent d’année en année. Il ne peut en être autrement, vus le nombre d’intervenants et la complexité d’une mesure du « mérite ». Plutôt que de perpétuer par habitude un système source de frustration pour les collègues, nous revendiquons un avancement égal pour tous, déconnecté de l’évaluation.