Madame la rectrice,
Cette rentrée 2019 se déroule dans l’académie de Caen sous le signe de la désorganisation, de l’impréparation, de l’inquiétude.
Le processus de fusion des deux académies confirme malheureusement toutes les inquiétudes sur lesquelles nous avions alerté. La nouvelle organisation complique les chaînes hiérarchiques et complexifie le travail des services. La façon dont a été gérée la crise de l’incendie d’un entrepôt Lubrizol à Rouen, avec des ordres et des contre-ordres concernant les personnels et les élèves en est un exemple : les choses n’auraient-elles pas été suivies plus sérieusement s’il y avait eu un recteur et un cabinet à Rouen et à Rouen seulement ?
La mise en place des services miroirs nécessite de créer une véritable armée mexicaine d’adjoints et de sous-chefs adjoints. On comprend que la fusion de structures comme le CFA normand sont trop grosses ou composées de parties trop différentes et on la reporte.
La valse des chefs de division et autres conseillers de la rectrice, le maintenant célèbre « mercato » est responsable à la foi d’un mal-être important chez les personnels d’encadrement et d’une perte massive de compétences parmi ceux et celles qui doivent partir ou qui ont refusé d’entrer dans ce jeu de mise en concurrence. La transmission pour ce CTA de documents incomplets ou tardifs en est une illustration.
Tous les personnels du rectorat en subissent les conséquences, dans leur travail quotidien comme dans le sens qu’ils donnent à leurs missions.
Et tout ce ramdam pour rien : aucune plus-value n’est pour l’instant perceptible.
Le ministre pourrait sans doute être satisfait de certains de ces effets, car actuellement, l’action syndicale est largement entravée dans notre académie. Il devient très difficile de trouver des interlocuteurs qui ont la légitimité et le temps de nous répondre. Alors que le SGEN-CFDT louait jusque-là le dialogue social avec le rectorat, nos inquiétudes sont maintenant palpables dans ce domaine.
Une inquiétude renforcée par la volonté affichée du ministre de bouter les OS en dehors des processus de mutation et de progression de carrière. Le choix fait de ne donner aucun document préparatoire, de refuser la réunion de groupes de travail et de ne transmettre que quelques informations individuelles au compte-goutte feront que, de fait, les CAP ne pourront plus vérifier l’égalité de traitement. Nous serons, nous élus, dans l’ impossibilité de résoudre facilement nombre de problèmes individuels, ni d’expliquer aux collègues pourquoi ils n’ont pas eu la hors-classe ou le poste de leurs rêves. L’absence de transparence amènera la suspicion et les services risquent de se retrouver submergés de demandes de révision et de recours juridiques.
Dans les lycées, impréparation et obstination semblent les maître-mots du ministre. Les épreuves du contrôle continu montrent que l’on va à l’encontre de l’objectif initial annoncé par le ministre : alléger le temps perdu dans l’organisation des examens, éviter que les années de première et de terminale ne soient consacrées au bachotage. Au contraire, ces deux dérives sont maintenant amplifiées.
Les collègues de Français, aux premières loges, constatent que faire le programme prévu dans son intégralité est irréalisable. Il va falloir d’urgence réaliser des aménagements.
L’inquiétude des collègues est énorme, notamment vis à vis de la charge de travail. Les E3C qui se préparent montrent l’impréparation de cette réforme : face aux questions légitimes des enseignants, les chefs d’établissement et les corps d’inspection sont démunis, dans l’impossibilité de donner des réponses sûres.
Il est temps que se mette en place des comités de pilotage, pour les deux réformes des lycées, pour que les difficultés rencontrées par les personnels soient remontées et prises en compte rapidement.
Le SGEN-CFDT, ce n’est pas nouveau, est inquiet sur l’évolution du réseau scolaire des collèges. Non pas pour refuser la réalité de la baisse démographique ni pour nier la nécessité d’en tenir compte, mais pour éviter que des décisions nécessaires ne soient préemptées par des décideurs qui ne sont pas toujours les plus compétents. Dans la Manche et dans le Calvados, le réseau des établissements est interrogé par les départements. Il est nécessaire encore une fois de le faire, mais l’Education nationale est-elle réellement associée à ce travail ? L’expérience montre que les décisionnaires ont tendance à faire leurs choix dans leur coin, avec des préoccupations qui ne placent pas toujours en premier lieu l’intérêt des élèves. Les personnels sont régulièrement prévenus en dernier et évidemment, personne ne pense à leur demander leur avis. Comme s’ils n’étaient que capables d’être des exécutants.
Et cela résonne avec une prise de conscience par les collègues de la dégradation de leurs conditions de travail et de santé, de l’accumulation des tâches qu’ils doivent prendre en charge (comme les PIAL, présentés aujourd’hui), le tout alors que les besoins d’économies sont omniprésents, que les moyens ont plutôt tendance à disparaître qu’à apparaître, et que l’image des enseignants est de moins en moins valorisée dans la société.
Il n’y a qu’à regarder quotidiennement le RRST, madame la rectrice, pour s’en prendre compte. Les incidents dans le premier degré sont incessants, en particulier avec les parents. Dans les collèges, depuis un an, se multiplient les intrusions ou les insultes venant là aussi de parents. L’école inclusive aux forceps, avec des moyens certes en augmentation mais qui restent insuffisants, affronte les enseignants des écoles et des collèges à des problèmes insurmontables. La hiérarchie vers laquelle les collègues se retournent semble tout aussi désarmée pour trouver des solutions.
Il ne s’agit pas d’un feu de paille, mais d’un mal profond.
La réforme des retraites qui se profile peut être l’occasion d’apporter un début de réponse. Le nouveau système porté par le gouvernement est à même de corriger les nombreuses inégalités du système actuel. Il faut en profiter pour aussi prendre en compte les années de formation dans les pensions, améliorer le reclassement des contractuels, aménager les fins de carrière, aligner les conditions de départ des PE sur celles des autres personnels (à la date anniversaire), car ce sont des signes attendus par les collègues.
Il ne faut cependant pas que ce nouveau système crée de nouvelles injustices. Il est clair que dans son état actuel, il amènerait une dégradation forte des pensions pour de nombreux personnels de notre ministère, comme une partie des enseignants ou des agents de catégorie C. Le problème est identifié y-compris par le gouvernement. La réponse doit être à la hauteur : il faut augmenter de façon importante les salaires.
Et seulement eux, car augmenter le temps de travail ou les heures supplémentaires serait en totale opposition avec la réalité du vécu des collègues et avec l’attractivité du métier.
Beaucoup de ces difficultés égrenées ici sont nationales, madame la rectrice, mais elles nécessitent souvent une prise en charge et un accompagnement au niveau académique. Nous attendons avec impatience que le rectorat soit enfin en ordre de bataille pour jouer pleinement ce rôle.