Si depuis des décennies le discours général est d’encourager l’implication des parents dans la scolarité de leurs enfants, plusieurs évènements récents sembleraient porter à la prudence voire à la nécessité de recréer des barrières.
Les divers mouvements de protestation contre la réforme des rythmes scolaires, parfois coordonnés comme les gilets jaunes, le plus souvent spontanés et liés à des situations locales, confondent parfois l’institution scolaire et les problèmes d’organisation liés aux mairies. Le directeur d’école est souvent, à son corps défendant, en première ligne, obligé qu’il est d’écouter les récriminations alors qu’il n’a pas la main sur le périscolaire.
Les surveillances « officielles » menées par des associations qui s’autoproclament luttant contre la « menace » de diffusion de la pseudo « théorie du genre » dans les écoles partent du principe que les parents ont un droit de regard sur les programmes scolaires, à travers le choix des manuels.
Plus largement, le flot d’attaques grossières et mensongères contre notre ministre, accusée à la fois de vouloir promouvoir l’arabisation, et donc l’islamisation de la France, d’inculquer la pseudo (toujours) « théorie du genre » ou de mentir sur son nom, cherche à susciter la peur chez les parents. L’Ecole chercherait à enseigner de force et en cachette aux enfants des valeurs différentes de celles de leurs parents. On trouve facilement à l’origine de ces mouvements des organisations extrémistes qui sont prêtes à faire de l’Ecole un champs de bataille pour que leurs idées se popularisent, sans aucun égard pour l’intérêt des élèves.
Ces évènements qui posent de nombreux problèmes aux équipes ont une grande part d’explication dans la situation sociale et politique actuelle. Les temps sont à la défiance envers les institutions en place. La désacralisation bien avancée du pouvoir présidentiel, l’image catastrophique rendue par une partie du personnel politique, de gauche comme de droite (et sans doute bientôt de l’extrême-droite, n’en doutons pas), les critiques contre l’inefficacité des diverses fonctions publiques, le comportement égoïste et irresponsable de certains patrons, tout cela s’ajoute à une crise sociale et économique qui a fait perdre son crédit aux autorités traditionnelles.
Et l’Ecole fait partie de cette autorité ! Lointain héritage du rôle de l’instituteur dans les villages sous les IIIème et IVème République, l’enseignant, le directeur, le chef d’établissement restent des personnes qui ont une autorité morale et intellectuelle que l’on craint inconsciemment de contester directement. Quitte à le faire violemment ou dans un autre cadre, en famille ou au Café du Commerce.
Et l’Ecole a elle-même du mal à se remettre en cause dans ses relations avec les parents. La critique voire la question est souvent vécue comme une agression, une attaque contre les compétences professionnelles des personnels. Les conflits peuvent rapidement dégénérer, ou se remettre sous le boisseau au prix d’un fort ressentiment. Avec paradoxalement comme ressort la volonté d’agir, des deux côtés, dans l’intérêt des jeunes/élèves.
Cependant, c’est sans doute plus le fait que les parents sont mal intégrés dans les structures scolaires que l’inverse qui explique ces problèmes. Dans les pays où les parents ont un réel pouvoir de décision dans l’Ecole, ceux-ci apprécient mieux la réalité et les nécessités de l’enseignement. On est plus mesuré quand il faut assumer ensuite ce que l’on a décidé ! Et l’habitude des débats rend moins difficiles les discussions.
Intégrer les parents dans le fonctionnement des collèges, leur permettre d’exprimer leurs inquiétudes, tout en fixant clairement la limite entre ce qui relève de la responsabilité parentale d’un côté, de la compétence professionnelle des personnels de l’autre, voilà un objectif qui ne peut que bénéficier aux élèves et empêcher l’Ecole d’être instrumentalisée dans le débat politique.