La situation devient de plus en plus incontrôlable. Les destructions et les violences « anti-flics » connaissent une pause, après un paroxysme la semaine dernière qui a clairement supprimé tout soutien populaire à ce genre d’actions. Ce sont aujourd’hui les blocages des raffineries et des dépôts de carburant qui sont les armes essentielles des opposants à la loi travail. En attendant la grève illimitée à la RATP le 2 juin et diverses menaces sur l’Euro de football à partir du 10 juin.
Un passage en force
Les syndicats opposants à la loi El-Khomri sont dans une impasse. Et ils le savent, mais ils ne veulent en sortir que la tête haute. Ils attendent donc le moindre début d’avancée pour justifier leur retrait, comme cela est en train de se passer chez les routiers.
Cependant le gouvernement a fermé nombre de portes de sortie en clôturant bien vite le débat parlementaire par l’appel au 49-3. Le fonctionnement normal de la démocratie représentative pouvait justifier l’application d’un texte contesté dans la rue. Aujourd’hui, le passage en force du gouvernement justifie au contraire les appels à la méfiance, voire à la défiance, envers notre système démocratique.
La preuve que le dialogue social en amont est nécessaire
On est aujourd’hui dans une situation paradoxale. Un texte qui après de nombreux changements est globalement bon, qui est avantageux pour les salariés, les jeunes, les fonctionnaires et les indépendants (voir un résumé ici). De l’autre côté, une majorité de nos concitoyens qui, sans en avoir lu une seule ligne, pensent qu’il faut purement et simplement abandonner ce texte.
Autre paradoxe, la société française souffre plus que d’autres du chômage, ce qui alimente la crise sociale et démocratique que nous traversons. Pourtant, elle craint les différentes mesures prises pour favoriser l’embauche ou sécuriser des parcours professionnels qui maintenant impliquent de plus en plus de changements de métiers ou d’entreprises.
Peut-on faire le bonheur des gens contre leur gré ?
Il est vrai que par calcul électoral ou culture syndicale, la peur de l’avenir est largement portée en France. Cependant, dans un pays où la population est de plus en plus éduquée, il est possible de faire preuve de pédagogie et d’expliquer des choses compliquées. Cela commence par un travail transparent de composition des lois en amont du travail parlementaire. Pour la loi travail, il aurait fallu discuter avec les organisations syndicales et patronales avant la rédaction et la présentation du texte. C’est ce qui s’est passé par exemple avec la loi ANI en 2013. On était alors loin des calculs électoralistes et des coups de menton qui font office aujourd’hui de politique pour le premier ministre.
Imposer des choix minoritaires aux citoyens, même si on pense avoir raison, n’est pas une façon de vivifier la démocratie, bien au contraire …
On a ainsi maintenant un projet de loi qui donne une large place à la négociation d’entreprise, qui instaure une participation massive des salariés aux décisions, … mais qui passe sans discussion au 49-3 !
L’entreprise devra donc réussir ce que l’Etat échoue à mettre en place. C’est une logique surprenante de la part de quelqu’un qui se réclame de l’héritage de Clémenceau !