Emmanuel Macron a promis des réformes, et il n’a pas menti. Le concept de réforme est particulièrement trompeur pour le citoyen : il existe des réformes progressistes comme des réformes réactionnaires, et s’il s’agit de ces dernières, on peut accuser facilement ceux qui ne veulent pas de changement d’être de vilains conservateurs, quand bien même ils veulent protéger des progrès. Or, actuellement, sur plusieurs sujets, on a l’impression d’assister par petites touches à un retour en arrière insidieux vers le quinquennat Sarkozy, dont notre ministre, M. Blanquer, avait été l’un des principaux artisans pour l’éducation.
En effet, M. Blanquer, sitôt installé, a systématiquement détricoté tout ce qui avait été mis en place sous le quinquennat précédent, comme par exemple la réforme des rythmes scolaires en primaire. Le prétexte est à chaque fois de donner plus de liberté, plus d’autonomie. Il est aisé de profiter des maladresses et du manque de compréhension qui ont entouré des réformes, qui rappelons-le, étaient centrées sur les besoins des élèves. Ce retour en arrière s’est concrétisé par la démission de Michel Lussault, président du Conseil Supérieur des Programmes. Le Point, journal qui a toujours eu l’esprit de réforme – c’est bien connu – titre sur cette démission : « bon débarras ! » et met au pilori ses « extravagances pédagogistes », ce qui en dit long sur certains appuis de la politique actuelle. Il est vrai que le jargon de l’économie libérale, des « ressources humaines » et du marketing est nettement plus séduisant que celui des pédagogues – mais passons…
Retour aussi vers le quinquennat Sarkozy quand le gouvernement, comme une bonne multinationale, utilise ses salariés, les fonctionnaires, comme variable d’ajustement de sa politique de réduction des déficits : gel du point d’indice, CSG augmentée sans vraie compensation pour l’instant, retour du jour de carence (rappelons que ceux du secteur privé sont pris en charge par les mutuelles pour une grande partie des salariés), annonces de suppressions de postes de fonctionnaires dans d’autres ministères. Le PPCR ne semble pas être remis en cause (difficile de revenir sur ce qui vient d’être signé), mais son application sur la fiche de paie retardée. N’oublions pas une nouvelle réforme des retraites à venir où les fonctionnaires ont a priori tout à perdre et rien à gagner. C’est d’ailleurs pour toutes ces raisons et ces inquiétudes que nous nous joindrons à la grève unitaire des fonctionnaires du 10 octobre.
Les enseignants qui s’occupent de formation professionnelle dans le public ne peuvent pas non plus rester de marbre face aux ordonnances Pénicaud qui, si elles ne les concernent pas directement en tant que salariés, peuvent les inquiéter pour l’avenir professionnel de leurs élèves, apprentis ou étudiants.
Curieusement, malgré l’engagement du candidat Macron à faire plus d’apprentissage, pour l’instant aucune annonce pour le LP, élément clé pourtant d’une éventuelle réforme de la formation professionnelle. Comme le calme avant la tempête. Celui qui règne dans l’œil du cyclone. Car rappelons que les propositions de M. Blanquer dans son livre allaient jusqu’à la régionalisation des LP et l’annualisation complète du service des enseignants. Et le gouvernement fait passer ses réformes jusqu’ici avec la subtilité et le sens de la négociation d’une onde de tempête qui submerge tout.
Stéphane Hardel
Voir aussi ici notre analyse de la nomination de M. Blanquer comme ministre de l’Education Nationale