Alors que le gouvernement semble choisir une voie qui rapprocherait le fonctionnement des lycées professionnels de celui de l’apprentissage, notre collègue PLP et militant SGEN-CFDT François Lefebvre tire la sonnette d’alarme : non, le lycée professionnel n’est pas un CFA ! La formation professionnelle publique a une vocation sociale qu’on ne retrouve nulle part ailleurs.
Au SGEN-CFDT, nous ne désirons pas opposer formation professionnelle publique et apprentissage. Cependant, il est temps de reconnaitre que ces deux voies de formation sont complémentaires et doivent continuer d’exister, en gardant leurs particularités. Pour cela, il faut bien comprendre et connaître les spécificités de la formation professionnelle publique et ce qui la différencie de l’apprentissage. Nous ne sommes pas certains que ce soit le cas de nos dirigeants ! En effet, un apprenti a d’abord été sélectionné/choisi par son employeur (le contrat conditionne l’accueil en CFA ou LP), alors que le lycée professionnel a une mission de service public et donc scolarise tous les jeunes.
L’APPRENTISSAGE : Les jeunes qui suivent leur formation professionnelle en apprentissage, sont déjà des jeunes qui ont fait preuve d’une autonomie, d’une maturité, qui ont certainement été accompagnés par leur famille pour décrocher une signature de contrat d’apprentissage. Ils devront aussi avoir la détermination nécessaire pour encaisser toutes les contraintes du monde du travail.
Ils sont les salariés de l’entreprise où ils sont confiés à un adulte pour « servir de petite main » et par la même occasion « apprendre les tâches de la profession ». Le « maître d’apprentissage », aussi bon professionnel soit-il, n’a pas la formation pédagogique et éducative qu’un PLP peut avoir. Il transmet les gestes techniques que l’apprenti assimile et reproduit. Dans certains métiers, ces gestes demandent des années de formation et d’expérience pour être maîtrisés. Pendant ces temps de formation en entreprise, il n’est pas question de progression pédagogique ni de transmission de connaissances techniques et scientifiques liées à la matière. La formation pro se réduit à l’apprentissage des bons gestes, à leurs répétitions. Les jeunes sont formés aux bons gestes professionnels de l’entreprise, mais qui seront, peut être, limités dans les évolutions liées aux progrès de la technique et de la science.
LA VOIE PROFESSIONNELLE PUBLIQUE : Il s’agit là d’une voie de formation qui s’adresse à un autre public. Entre autres, les publics les plus en difficulté, voir en grande difficulté (EBEP, élèves à besoins éducatifs particuliers), non affectés, rejetés, discriminés, décrocheurs et fâchés avec un système qui ne leur correspond pas. Ce public est en grande majorité issu des milieux populaires et depuis quelques années les choix politiques sur l’inclusion à marche forcée détruit des filières complètes.
A court terme, il est certainement vrai que l’employabilité est supérieure par la voie de l’apprentissage. C’est pourquoi, sans nier l’utilité de l’apprentissage, nous défendons la cohabitation de ces 2 voies de formation professionnelle.
II est indispensable que la formation en lycée professionnel soit maintenue pour offrir à ces jeunes perdus dans le système classique une authentique chance de reprendre confiance et d’apprendre les codes sociaux et les clés d’entrée dans le monde professionnel. Au-delà de l’éducation professionnelle, de l’apprentissage des gestes techniques, des connaissances technologiques, la formation inclut la connaissance des matières d’œuvre, de leur composition et de leurs caractéristiques, formation qui est non seulement pratique mais aussi théorique. Cet enseignement particulier doit continuer à être confié à des spécialistes : Les PLP. Ils sont les enseignants spécialisés dans la prise en charge des jeunes en difficulté et, à l’inverse des « maîtres d’apprentissage » (qui ne sont pas là pour ça), ont vocation à leur apprendre les codes sociaux, les compétences transversales, les amener vers l’autonomie et les rendre capables d’analyser une situation et de mobiliser leurs connaissances pour mettre en œuvre l’action la plus appropriée.
Où est l’égalité des chances ?
Il est donc temps que notre ministère reconnaisse que la voie professionnelle publique est l’école de la dernière chance et qu’elle a tout son sens dans le système de formation de notre République. L’enseignement professionnel public à une expertise inégalée dans l’accueil, adaptation, l’éducation avec des méthodes éducatives et pédagogiques innovantes et constructives pour des jeunes qui traînent pour la plupart des difficultés multiples (scolaires, sociales, personnelles …). Les PLP sont assurément les meilleurs experts en ce qui concerne l’adaptation pédagogique et la prise en charge des EBEP.
Voilà quelques années que nous dénonçons les réformes à contre courant, mais aussi les conditions d’exercice des personnels rendues de plus en plus difficiles par une adaptation permanente et par une inclusion sans égale dans le Second degré.
Restera-t-il une place dans notre système éducatif pour tous ces jeunes qui ne sont pas en capacité de répondre aux exigences du monde professionnel ?
François Lefebvre