Ne soyons pas obtus : la situation sociale et scolaire actuelle n’est pas simple, et il est facile de mettre en avant les problèmes posés par les décisions gouvernementales. Il est donc nécessaire d’analyser ces dernières au regard de ce qui se passe depuis 3 mois en France.
Le ministre de l’Education nationale et son secrétaire d’Etat Gabriel Attal ont présenté samedi à la presse le dispositif des “vacances apprenantes” annoncé il y a un mois. Aux journalistes de Ouest-France.
En fait, il s’agit de 4 dispositifs.
Les écoles ouvertes
Existant déjà dans les quartiers populaires et au collège pour 70 000 élèves, élargis cette année à 400.000 enfants, en particulier vers les écoles et les lycées professionnels, ainsi que dans les territoires ruraux. Ces établissements proposeront du soutien scolaire, mais également des activités culturelles et sportives. 25000 adultes seront mobilisés, enseignants mais aussi “partenaires associatifs”.
Les écoles ouvertes buissonnières
C’est nouveau. Cela permettra à 10.000 enfants vivant à la campagne ou en zone littorale de partir à la “découverte de la nature et du patrimoine local.” Répartis par petit groupe, ils seront pris en charge par la fédération du scoutisme français.
Les colonies de vacances apprenantes
Il s’agit là d’utiliser les structures déjà existantes. L’Etat financerait 250.000 départs en “colonies apprenantes”. Les enfants des familles les plus modestes seront prioritaires et n’auront rien à payer.
Les accueils de loisirs apprenants
Peu de précisions pour l’instant. Il s’agirait d’envoyer 300 000 enfants en centres aérés en finançant 150 millions d’euros d’investissements pour permettre aux structures de tourisme pour tous de se moderniser.
Dans tous ces dispositifs, le protocole sanitaire restera strict, avec masques et distanciation
Une plateforme devrait ouvrir vendredi prochain sur le site du ministère pour que les familles puissent consulter ce qui est proposé près de chez elles, pour l’accueil des enfants.
Le label “apprenant” sera en fait associé à des activités assez vagues : cela “ira du jeu pédagogique à la remobilisation scolaire”, pour “offrir une dimension éducative supplémentaire à leurs activités habituelles.”
Un argument social
C’est le principal argument mis en avant : le confinement a surtout touché les enfants des familles les moins favorisées ; il faut donc leur offrir la possibilité à la fois de sortir de chez eux et de pouvoir commencer à récupérer une partie du retard scolaire accumulé.
Il est difficile d’être contre ces objectifs. Dans l’immédiat d’une part. Et aussi pour que plus d’enfants puissent partir en vacances cette année et les années à venir. Si l’Etat lance un vaste plan pour améliorer les centres de vacances, ce serait certainement une bonne chose à terme.
Montrer que l’on agit
Cet argument n’est pas mis en avant évidemment, mais il est essentiel dans l’action politique aujourd’hui. Et en particulier pour Jean-Michel Blanquer. Et en particulier en ce moment où le poste de premier ministre paraît être à prendre.
Quelques réserves toutefois
Les bons sentiments sont une chose, la capacité et la volonté à les mettre en œuvre en sont une autre.
Ce qui saute aux yeux est le délai très court. Certes, la période est à l’improvisation, mais tout de même, il reste moins d’un mois ! En plus, les stages Bafa et Bafd n’ont pu se tenir, pour qualifier de nouveaux animateurs et directeurs de centres et, même si le gouvernement veut cette année financer une procédure accélérée, il va être difficile de trouver du monde à priori. Témoin de cette mise en place très tardive, quand le SGEN-CFDT a interrogé la rectrice fin mai sur ce dispositif, la réponse a été très très vague : toutes les pistes allaient être explorées. Deux semaines après, tout serait calé ?
Autre problème : les règles sanitaires d’accueil vont être strictes : masques pour les adultes, règle des 1 mètre … Les structures, les bâtiments en particulier, risquent d’être trop petits. A tel point d’ailleurs que les centres de vacances s’interrogent sur la viabilité financière d’une ouverture cette année. Et y aura-t-il des agents pour faire appliquer le protocole et l’entretien particulièrement contraignants en cette période ? La Région Normandie par exemple a indiqué que le temps de travail des agents serait déduit de leurs obligations annuelles, ce qui veut dire que l’on risque de manquer de personnels à un moment, durant les vacances ou après.
Enfin, le public visé sera-t-il réellement le public que l’on trouvera dans ces dispositifs ? Le même argument “social” avait été mis en avant pour la réouverture des écoles, collèges et lycées. Tout le monde a constaté qu’au contraire, les publics qui étaient revenus n’étaient pas ceux qui en avaient le plus besoin. Les élèves les moins à l’aise avec l’Ecole sont restés chez eux. Ne risque-t-on pas encore de rater la cible ? La mémorisation et l’appropriation de notions nécessite un travail continu et sur le long terme. On ne rattrape pas 10 semaines manquée en une seule !
La dernière réserve est celle de la volonté réelle du ministre. Nous avons été trop longtemps habitués avec Jean-Michel Blanquer à une communication médiatique déconnectée de la réalité, à une négation de celle-ci même. Difficile donc d’être optimistes et d’adhérer à ces dispositifs, même si sur le fond on a envie de le faire.
Le retard scolaire doit être pris à bras le corps, et c’est maintenant, dans les établissements, qu’il va falloir concevoir comment, l’année prochaine, nous allons pouvoir “amortir” le rattrapage des 3 mois perdus cette année.