college snesAprès le SNALC la semaine dernière, c’est au tour du SNES de s’attaquer à la réforme du collège.
On peut attendre d’un syndicat majoritaire dans le Second degré et nettement plus crédible que le SNALC une analyse sérieuse. C’est en partie vrai, mais la conclusion est assez déroutante. La cohérence est en fait à chercher ailleurs.

Le texte du SNES Les remarques du SGEN
Exceptionnellement, le SNES-FSU a décidé de vous écrire à votre adresse mail professionnelle vu la gravité de la situation. Le SNES n’a eu de cesse de dénoncer ces dernières années l’utilisation des adresses académiques par d’autres organisations syndicales, n’hésitant pas à parler de spams. Il y a donc eu évolution du SNES sur ce point, ce qui peut être utile de temps en temps …
Cependant, la situation est grave ! Poursuivons.
Les projets ministériels de décret et d’arrêté modifiant l’organisation des enseignements au collège, communiqués aux organisations syndicales conduisent à une transformation profonde de notre métier. C’est vrai que le métier enseignant a besoin d’être profondément transformé. C’est ce que demande le SGEN-CFDT depuis longtemps. Cependant, la réforme du collège proposée par le ministère, si elle va bien dans ce sens, est de plus en plus édulcorée et ne va sans doute pas changer énormément les pratiques (voir ici et ici une analyse). En tous cas si cela se fait, ce ne pourra être que progressif.
En particulier, le projet de décret prévoit que : « L’établissement peut moduler la répartition du volume horaire hebdomadaire par discipline, dans le respect :
•  du volume horaire global dû à chaque discipline d’enseignement obligatoire pour la durée du cycle ;
•  du volume horaire global annuel des enseignements obligatoires dû à chaque élève. ».Ce texte remet clairement en cause le fonctionnement du collège : les établissements pourraient modifier pour des classes ou pour tout l’établissement les horaires de n’importe quelle discipline à chaque niveau à la seule condition de respecter le volume global d’une discipline sur l’ensemble du cycle IV (5è-4è-3è) et le total horaire-élève de chaque niveau. Il pourrait ainsi, par exemple, diminuer les horaires de mathématiques en 4ème pour augmenter d’autant l’horaire de 5ème…  obligeant une autre discipline à « abandonner » une heure en 5ème pour ne pas dépasser l’horaire global des élèves. La décision en reviendrait au CA, après avis du conseil pédagogique.
La présentation du SNES est tout à fait sérieuse et objective. Dans les dernières versions du texte du ministère, cette possibilité de moduler les heures d’une discipline au sein du cycle 4 (5ème – 4ème – 3ème) est effectivement donnée. Cela ne touche en rien les heures globalement consacrées à chaque discipline et donc n’impacte pas les postes. Et cela donne une réelle marge d’autonomie aux équipes. On peut ainsi envisager de faire 2,5 heures d’Histoire-Géographie-Education morale et civique en 5ème (au lieu de 3) et 3,5 h en 4ème (au lieu de 3).Evidemment, cette possibilité ne sera utilisable que si les programmes disciplinaires sont conçus par cycle et non par niveau de classe (c’est ce qui prévu dans la lettre de cadrage au Conseil supérieur des programmes).
L’autonomie de l’établissement prônée est en fait celle du conseil pédagogique et donc celle du chef d’établissement. La construction d’une décision collective dans les établissements fait peur à beaucoup. Le SNES, comme d’autres, ne conçoit d’autres alternatives que le fonctionnement hiérarchique (le chef d’établissement décide) ou  la liberté individuelle (chacun fait ce qu’il veut dans sa classe, à l’intérieur d’un cadre défini identique partout).
C’est assez surprenant car ce fonctionnement collectif est largement répandu dans le monde du travail, et existe même dans l’Education nationale (c’est comme cela que fonctionnent les CIO par exemple). Pourquoi par principe ne serait-il pas possible dans le monde enseignant de définir et d’appliquer collectivement des décisions adaptées à chaque situation locale ?

Et si un certain nombre de décisions doivent de toutes façons être prises, vaut-il mieux qu’elles le soient par un chef d’établissement avec qui l’on peut régulièrement discuter qu’avec un recteur ou un ministre inaccessibles ?
Elle conduira à une mise en concurrence des disciplines et des établissements et accroîtra les inégalités sociales et scolaires au nom de « l’adaptation au public ». Il doit manquer ici un morceau du texte car objectivement, quel lien peut-on faire entre la modulation des horaires disciplinaires au sein d’un cycle et la concurrence entre disciplines ou le renforcement des inégalités sociales ?
C’est à partir de cette phrase que le raisonnement ne devient plus cohérent. On passe d’une critique sur le fond, tout à fait recevable même si elle n’est pas la nôtre, à des slogans qui se veulent être mobilisateurs.
Cette attaque contre le second degré n’est pas isolée. Les propositions faites, tant sur le décret sur les indemnités pour missions particulières que sur les projets pour le collège, forment un tout cohérent pour transformer profondément le second degré et nos métiers, en remettant en cause la liberté pédagogique des enseignants et en multipliant les réunions de toute sorte. Il y a bien volonté du ministère de transformer l’Ecole en profondeur (c’est le sens de la Refondation en oeuvre depuis 3 ans), objectif soutenu par le SGEN et le SNES jusque-là. C’est clairement affiché depuis le début et cela n’a rien de caché.Si les pratiques professionnelles doivent devenir plus collectives pour le SGEN, c’est pour améliorer le fonctionnement de l’Ecole, dans l’intérêt des élèves et aussi pour améliorer la situation des personnels.
Le SNES a-t-il comme objectif d’isoler au maximum chaque enseignant, pour le laisser gérer seul ses problèmes ? L’isolement est pourtant une des causes du mal-être professionnel, tous les syndicats savent cela !
Le SNES-FSU, convaincu de la nécessité d’une évolution du collège, est en revanche déterminé à lutter contre cette réforme qui dénature le second degré. La grève du 9 avril est une première occasion de le faire. Il est nécessaire de débattre dès maintenant dans les établissements et dans les assemblées générales prévues à l’occasion de la grève du 9 avril, des modalités d’action pour obtenir le retrait de ces projets et la reprise de discussions sur d’autres bases : grèves et rassemblements dans les académies en avril et en mai, opérations « collèges morts », courriers, motions en CA, tracts, action nationale incluant la grève en mai… Il est parfaitement légitime pour un syndicat de lancer une mobilisation. Si le SNES est opposé aux principes de la réforme proposée, c’est logique, qu’il le fasse.Il est toutefois surprenant de lier cette mobilisation à la grève du 9 avril.
Cette dernière est une grève interprofessionnelle (tous les salariés du privé et du public) lancée « contre la politique d’austérité ». Quel rapport entre l’austérité et la réforme du collège ? Alors que le gouvernement est en train de créer 60 000 postes sur 5 ans dont 4 000 spécifiquement pour cette réforme ? Quelle visibilité auront ceux qui font grève contre la réforme du collège par rapport à ceux qui font grève contre la Loi Macron ou pour l’augmentation des pensions et des minimas sociaux ?
  En fait, il faut analyser la volte-face soudaine du SNES au regard de ce qui n’est pas dit dans le courriel.
Ce syndicat, largement majoritaire dans le Second degré depuis des décennies, a vu ses positions entamées lors des dernières élections professionnelles, en décembre 2014. En particulier son positionnement plutôt favorable à la Refondation a eu pour conséquence la montée de syndicats conservateurs comme le SNALC et FO. Ce positionnement, courageux au vu de l’histoire du SNES, est donc maintenant clairement abandonné. Les divisions à l’interne sont fortes. Pour les atténuer, on revient à la pratique habituelle : un discours plutôt progressiste, mais un refus quasi systématique des réformes au nom de tel ou tel détail qui sert de prétexte.

Cependant, au-delà des critiques que l’on peut émettre contre tel ou tel aspect de la réforme proposée par le gouvernement (le SGEN lui aussi a de nombreuses insatisfactions et inquiétudes), le risque est maintenant grand que la réforme du collège soit enterrée. Alors qu’une large majorité de la profession et des parents estime que l’on ne peut pas rester dans le statu quo, le SNES, de par son poids, peut être le fossoyeur de ces aspirations au changement. Si effectivement, rien ne se passe, il portera la responsabilité d’un blocage qui risque de durer. Pour régler des problèmes internes ou pour des raisons électoralistes, mais aux dépens des élèves et des personnels. Le SGEN-CFDT lui assumera ses responsabilités.